Le patron de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (Umih), Thierry Marx, ouvrait ce lundi 17 novembre le congrès national de la fédération qui se tient au palais des congrès de Perpignan jusqu’au 19 novembre 2025. Le restaurateur aux deux étoiles a pris la défense d’un secteur qu’il juge « asphyxié » par les charges. Il défend la création d’une loi pour défendre le fait maison. Entretien.

Vous militez depuis un an pour l’instauration d’une loi-cadre pour protéger le fait maison. Pourquoi ?
Cela permettrait de protéger l’artisan restaurateur, celui qui fait et transforme sur place. Car, aujourd’hui, tout le monde peut être restaurateur, même le gérant d’une supérette. Vous prenez un plat dans un congélateur, vous le réchauffez, vous avez mis trois tables devant la supérette, vous êtes un restaurant. On ne leur demande pas si c’est fait maison ou non. Il faudrait donc cette loi-cadre pour protéger l’artisanat.
Mais quels en seraient les contours ?
Nous militons pour un allègement des charges des restaurateurs qui pratiquent le fait maison. Car si nous ne protégeons pas nos TPE, PME et nos artisans, c’est toute l’économie qui vacille.
Si l’on suit ce schéma, ce dégrèvement pourrait aussi concerner les professionnels utilisant des produits français par exemple ?
Bien sûr. Aujourd’hui, on sait sourcer les produits, travailler avec le monde agricole et les circuits courts. On sait même décarboner les assiettes. Mais si vous n’arrivez pas à faire de la trésorerie pour votre entreprise, vous mourrez.
Vous portez cette idée d’une loi depuis un an, où en êtes-vous ?
L’actualité a été très mouvementée donc elle a été mise de côté. Mais je ne le lâcherai pas. Car nous avons des artisans à défendre qui se trouvent parfois à quelques kilomètres d’autres professionnels qui ne jouent pas avec les mêmes règles au niveau de la masse salariale et des charges sur les entreprises. Les Pyrénées-Orientales en sont le symbole avec l’Espagne.
Vous dénoncez l’augmentation des charges ces trois dernières années. À combien estimez-vous la hausse ?
Elle est à 30 %. Nous avons fait appel à un cabinet indépendant pour calculer le coût d’une assiette que nous sortons aujourd’hui. C’est tout ce qui se trouve derrière l’addition. Pour un plat vendu 22 €, la répartition est la suivante : 35 % de masse salariale (soit 7 €), 30 % d’achat de matière première (soit 6 €), 10 % de TVA (soit 2 €), 7 % de loyer (soit 1,40 €), 20 % de frais généraux comme l’eau, l’électricité, l’assurance, etc. (soit 4 €), 6 % d’autres charges comme le prêt garanti par l’État – PGE – et un autre prêt (soit 1,20 €). Le bénéfice pour le restaurant revient donc à 2 %, soit 40 centimes.
Quand vous écrasez autant les restaurateurs avec des charges, comment ne voulez-vous pas qu’ils renoncent ?
Les premières choses dans lesquelles vous allez couper, c’est le coût des matières premières, le coût énergétique que vous ne payez pas, le coût en masse salariale qui fait que vous allez réduire votre niveau d’hospitalité. Et ça, c’est inquiétant. Celui qui assure du fait maison génère une marge de 2 % quand celui qui n’en fait pas en dégage une à 8 %. On peut vous coller des tacos partout, ce n’est pas le problème. Mais si on veut défendre la gastronomie et l’hospitalité de ce pays, il faut maintenir une qualité et une attractivité au travers de la qualité. Et cette économie de la qualité, ça a un coût.
La situation budgétaire du pays ne semble pas favoriser une baisse des impôts ou des charges, que pouvez-vous attendre concrètement ?
Pendant longtemps, on a fait l’économie du low-cost. On a fait croire aux consommateurs qu’ils avaient du pouvoir d’achat en cassant les prix. Résultat, ça a ruiné une partie de notre agriculture, ça a ruiné complètement notre industrie et une grande partie de notre artisanat. Aujourd’hui, on ne doit pas se questionner sur Shein, on doit se demander comment Shein peut s’installer en France. Car on a détruit l’industrie du textile. Je suis pour la défense du pouvoir d’achat, pour baisser les charges sur les salariés. Quand je paie un apprenti qui sort de l’école 2 000 € brut par mois. Lui, il touche 1 450 € et moi ça m’a coûté 3 500 €. Qui est content ? Personne car lui n’a pas assez et moi cela m’a énormément coûté. Ce modèle ne fonctionne plus, il est à l’asphyxie. Il faut se projeter à 5 ou 10 ans : quel pays voulons-nous ?